Depuis des années, NTTC France travaille sur une simplification de la méthode et des techniques. Une épuration et une simplification étaient nécessaires, et parmi les nombreuses méthodes de tir enseignées, aucune n’aborde jamais le facteur humain. La NTTC est apparue en France à l’Ecole des Officiers de l’armée de l’air en 2003. Une superposition entre la sécurité aéronautique et les combats aériens et terrestres s’est naturellement imposée.
Le facteur humain en tir de combat :
Dans l’aéronautique, les accidents sont rapidement très meurtriers. Un avion de ligne n’est finalement qu’une masse de métal remplie de milliers de litres de carburant, transportant des centaines de personnes, et volant à des vitesses proches de celle d’une balle… A leurs commandes, quelques bipèdes issus d’une lignée dont le conditionnement animal reste toujours très présent. L’équation est parfaite pour aller à la catastrophe ! Et pourtant année après année, l’avion est devenu le moyen de transport le plus sûr, après une longue période d’introspection nécessaire.
Techniquement, les avions sont conçus depuis des décennies de manière à assurer une redondance de leurs systèmes (approche dite « fail safe »), et parallèlement, une marge importante est prise sur la durée de vie de ces systèmes (approche dite « safe life »). Ainsi, au cours d’un vol, la probabilité de rupture d’un système est particulièrement faible, car il est changé bien avant sa fin de vie estimée, et même en cas de rupture, un autre système prendra le relais.
Cette conception a amené un glissement progressif des causes d’accidents aériens vers des défaillances humaines quasi-exclusives. Quand en 1977 une collision entre deux avions de ligne survient à Tenerife en causant la mort de près de 600 personnes, principalement imputable à une successions de mauvaises analyses humaines à différents niveaux, la communauté aéronautique civile et militaire a pris un virage important dans son approche de l’entrainement de ses équipages, de ses mécaniciens et de ses contrôleurs aériens. Un accent particulier sera désormais mis sur ce maillon faible : le facteur humain.
Dès lors, l’étude des facteurs humains est devenue essentielle afin de connaitre les qualités et les faiblesses de l’être humain, et d’en optimiser les facteurs d’apprentissage. Les facteurs physiologiques et psychologiques sont mis en évidence afin de faire prendre conscience aux pilotes, mécaniciens et contrôleurs aériens de leurs limites dues à la fatigue, au stress, aux biais d’analyse, à une mauvaise hygiène de vie et à une multitudes d’autres petits grains de sables pouvant mener à la catastrophe.
Dans une lettre à Liddell Hart, éminent stratège britannique, le Maréchal Lord Wavell écrit : « Si j’avais du temps et votre talent pour étudier la guerre, je pense que je me concentrerais entièrement sur les réalités du combat : les effets de la fatigue, de la peur, de la faim ou du manque de sommeil. Ce sont ces réalités-là qui rendent la guerre si compliquée et si difficile ». Au combat, des facteurs similaires à ceux des accidents aéronautiques peuvent être mis en évidence. Malheureusement, ils apparaissent dans un contexte particulièrement chaotique, brouillé par un environnement complexe qu’il est souvent très difficile à rejouer et à analyser.
Les méthodes d’apprentissage du combat évoluent, souvent dans la douleur, après de nombreux morts. Malheureusement, le « temps de paix » génère souvent une dérive due à l’incapacité à reproduire les conditions du combat réel, très souvent pour des raisons de sécurité, de coûts et d’ego. Le « tir au tabouret » pratiqué durant des années dans nos forces en était le parfait exemple.
Comprendre l’entrainement au combat, c’est comprendre l’homme avec ses forces et ses faiblesses, sa capacité d’apprentissage plus ou moins limitée selon les individus, sa capacité à appliquer des dogmes « parce qu’on a toujours fait comme ça », à faire des choses « parce c’est spectaculaire », et surtout, sa capacité à encoder des gestes parasites dans un environnement peu représentatif de la réalité (negative training). C’est aussi comprendre qu’en cas de stress intense, le combattant se focalisera sur des actions qu’il aura assimilé à l’entrainement pour le meilleur comme pour le pire (drill de boite de conserve), et qu’il subira un effet tunnel issu de sa condition animale. C’est aussi comprendre qu’il pourra parfois, selon son conditionnement et des facteurs difficiles à détecter au préalable, combattre, se figer, ou fuir (fight, freeze or flight).
Enfin, c’est aussi comprendre que plus un système d’entrainement est simple et épuré, que ses techniques sont transposables d’une arme à une autre, que ses principes sont pragmatiques et facilement adaptables à d’autres disciplines, moins il demande de ressources intellectuelles lorsque celles-ci sont limitées, et donc qu’il sera applicable sous fort stress et en conditions dégradées.
Finalement, le tir tactique ne doit jamais être pris pour une technique de stand, mais bien pour une technique de combat, car comme le dit à juste titre Rex Applegate (un des pères du close combat moderne) : « il y a une énorme différence entre les méthodes de tir qui fonctionnent lorsqu’il s’agit de simplement faire des trous dans les cibles, et les méthodes qui fonctionnent lorsque ce sont les cibles qui essaient de vous faire des trous ! ».
Albert