Radicalisation et déshumanisation…
On peut définir une menace comme l’association d’une capacité et d’une intention. Si le chihuahua agressif prête à sourire, et que le rottweiler assoupi peut être attendrissant, le molosse agressif est clairement une menace. Le premier n’a que l’intention, le deuxième n’a que la capacité, mais le troisième est clairement une menace, car il réunit la capacité et l’intention nécessaire à sa dangerosité.
Ainsi, lorsqu’un individu est interpellé et que les menottes lui sont passées, il s’agit surtout de le priver de sa capacité de nuire à autrui. Il en va de même quand il est mis en prison, sa privation de liberté étant supposée lui interdire de renouveler son méfait en se focalisant sur la réduction de capacité. Cette période de mise à l’écart est alors normalement employée à réduire son intention au travers d’un processus de réhabilitation. A court terme, on travaille sur la capacité alors qu’à long terme, on tente de travailler sur son intention.
Lorsqu’on parle de « radicalisé », il s’agit purement et simplement d’une intention poussée aux extrêmes, un extrémisme qui mène à une action violente. Le passage à l’acte est fortement probable, au vu de la programmation mentale de l’individu. Et même si la capacité est réduite, l’intention est telle qu’une capacité autre sera acquise. Enlevez les armes à feu, vous aurez des voitures béliers ou des attaques au couteau : « La où il y a une volonté, il y a un chemin » dit l’adage.
Le processus de radicalisation passe en principe par un étape nécessaire : la déshumanisation. Il s’agit pour le radicalisé de créer un différentiel psychologique permettant de faciliter son passage à l’acte. Le simple fait d’affubler son ennemi d’un nom avilissant fait déjà partie du processus de déshumanisation. « Mécréant », « Bosch », « sous-race » ou autre qualificatif dénigrant ont juste pour but de créer une distance qui aidera à franchir le cap. On observe aussi bien cette approche dans le conditionnement des Waffen SS que dans les enfants tueurs de Daesch. Dans le travail de « déradicalisation », un des axes d’approche consiste d’ailleurs à déconstruire l’idéologie extrémiste (religieuse ou politique) en se concentrant sur la réhumanisation de l’autre.
Les réseaux sociaux, par leurs processus algorithmiques de recoupement de sujets pouvant nous intéresser, sont de magnifiques vecteurs d’enferment idéologique, de la Terre Plate au Califat en passant le véganisme. Autant de raisons de se conforter dans ses idées, puisque chaque nouvelle vidéo, chaque nouveau contact proposé, est en accord avec soi. Autant de cocottes minutes en puissance qui montent en pression.
Dans un monde ouvert à une connaissance inimaginable, il est particulièrement paradoxal qu’internet soit devenu ce vecteur de radicalisation qu’on constate aujourd’hui, toutes idées confondues. Le prêt à penser est devenu la norme, quel que soit son environnement, aidé par une rhétorique et un marketing toujours plus efficaces. Qu’y faire, à part sortir de sa bulle, lire, penser et ne pas être dupe ? Être prêt.
Albert.